Il m’a fallu des années pour réussir à appeler Dieu, Papa. Il m’a fallu des années pour admettre qu’il est mon Père, pour comprendre son cœur. Pourquoi ?
Parce que mon père à moi n’a pas toujours été un papa. Un papa ? Oui, un papa qui protège, qui rassure, qui accompagne, qui répond à nos besoins quand on l’appelle, qui donne de l’affection. Un papa qui transmet aussi. Il a été mon père, celui qui m’a donné son nom et son ADN. Mais il n’a pas toujours su être un papa présent, fiable, fort et tendre à la fois.
Papa buvait. Beaucoup trop. L’alcool : une affaire de famille. Jusqu’au drame : mon oncle, complètement saoul, qui a tué un homme. Mon père a assisté à la scène. Le Noël qui a suivi, je lui ai simplement dit : « Papa, lui, il est en prison maintenant, et pour très longtemps. Je veux qu’à Noël prochain, tu sois encore avec nous. » Il n’a plus jamais bu, mais une crise cardiaque l’a emporté 2 ans plus tard… bref.
Curieusement, je ne lui en ai jamais voulu… Papa était fragile, anxieux, très souvent découragé, seul face aux autres… non, je ne lui en ai jamais voulu de nous imposer toutes ces soirées de beuveries. Mais j’en ai voulu à d’autres : au médecin de famille qui savait, mais qui n’a rien fait et à… ma mère, qui ne nous a pas protégées. Peut-être qu’elle aussi était fragile, anxieuse, très souvent découragée, seule face aux autres… mais c’est une autre histoire.
J’ai grandi avec l’idée qu’un père, c’est imprévisible, fragile, que ça peut te crier dessus subitement ou que ça peut même te reprocher ton existence ou t’insulter. Alors quand j’ai commencé à comprendre que Dieu est Père, Abba, je me suis dit qu’il n’y avait aucune raison que je l’appelle un jour Papa. Sans moi. Vous autres, vous l’appelez Papa si ça vous enchante, mais aucun risque que moi aussi je l’appelle Papa un jour. Jusqu’à maintenant, il s’est très bien débrouillé sans moi et il va continuer comme ça… je dirai même que c’est une faiblesse d’appeler Dieu Papa… et puis quoi encore ? L’appeler Maman ? (Comment ça on a un Dieu au cœur de mère ? …)
Mais quelque chose clochait. Je le sentais bien, mais je ne voulais pas y penser. Et Dieu le Père a su m’apprivoiser…
J’ai toujours été intéressée par les histoires d’enfants sauvages, ces enfants élevés par les loups ou des cochons ou encore des chiens. Quand ils se retrouvent à nouveau avec des humains comme eux, ils continuent à se comporter comme des animaux parce qu’ils ont appris le langage animal. Ils refusent qu’une personne s’approche d’eux, repoussent le contact et ne veulent surtout pas être pris dans les bras.
Il y a quelques années, j’avais lu une étude, aux résultats absolument dramatiques, sur le cerveau des enfants élevés en orphelinat. Attention je ne dis que tous les enfants vivant en orphelinat sont carencés affectivement, mais, dans cette étude, c’était le cas. À l’IRM, les chercheurs s’étaient aperçus que certaines zones du cerveau ne s’étaient pas correctement développées à cause du manque affectif, mais que plus tard, une fois ces enfants adoptés et choyés, avec beaucoup de temps et de patience, leur cerveau était à nouveau en capacité de fabriquer les neurones manquants et de les connecter. C’est le syndrome de l’hospitalisme étudié par le Docteur Spitz.
J’étais comme une enfant sauvage. Pas aussi gravement, c’est sûr. Je refusais souvent tout contact social, n’acceptais surtout pas qu’on me prenne dans les bras. Je refusais toute marque d’intérêt, de gentillesse ou même d’affection de la part de l’autre.
Dieu le Père m’a apprivoisé, m’a rééduqué jusqu’à ce que j’accepte d’être prise dans les bras par Lui, mais aussi par d’autres. Il a été patient, pédagogue. Il a mis sur ma route les personnes qu’il fallait. Il m’a restauré, et cela même physiquement. Nous sommes Esprit, Âme et corps, et je crois que j’ai maintenant les connexions neurologiques pour accepter l’amour des autres, leurs bras et ceux du Père.
Je suis encore en chemin. Mais je suis sur la bonne route. J’apprends, je découvre jour après jour, l’amour gratuit, désintéressé que Dieu le Père me porte. Et je peux l’appeler : Papa.
Toi aussi, tu pourras l’appeler un jour Papa. Toi aussi, Il viendra te prendre dans les bras et tu pourras poser ta tête contre Son cœur. Dieu t’aime. Oui, je sais : ça peut te paraître bizarre, ça peut même te faire rire ou bien ça te met en colère. Pourtant, Dieu t’aime.